Frappes US sur des civils: les "guerres propres" américaines, un mythe qui "fait honte



Personne au sein de l’armée US ne sera tenu pour responsable de la frappe ayant tué dix civils à Kaboul. Une impunité symptomatique de l’hypocrisie américaine sur ses "guerres propres", estime le géopolitologue Pascal Le Pautremat.
Au mois d’août dernier, dans le chaos généralisé qui s’emparait de Kaboul à mesure que les États-Unis se retiraient en toute hâte d’Afghanistan après 20 ans de présence, les forces américaines ont frappé la cour d’une maison. Ce qu’ils pensaient être des combattants de Daech* se préparant à attaquer l’aéroport s’est pourtant avéré être un groupe d’humanitaires et d’enfants.
 
"Comment nos militaires américains peuvent-ils prendre par erreur la précieuse vie de dix Afghans et ne tenir personne pour responsable de quelque manière que ce soit?", s’est interrogé Steve Kwon, Président de l’ONG Nutrition & Education international (NEI), dont les employés sont morts lors de cette frappe. C’est pourtant exactement ce qu’il s’est passé.
 
L’armée américaine ne punira aucun membre de son personnel pour cette frappe de drone qui a tué dix civils, dont pas moins de sept enfants, a révélé la chaîne NBC le 13 décembre. "Ce que nous avons vu ici, c’est une rupture de processus et d’exécution procédurale dans les événements, pas le résultat d’une négligence, pas le résultat d’une mauvaise conduite, pas le résultat d’un mauvais leadership", a justifié le porte-parole du Pentagone, John Kirby, lors d’une conférence de presse.
"Ce n’est pas un cas isolé. Depuis vingt ans que je suis la guerre en Irak et en Afghanistan, on a eu à maintes reprises ce problème réel de frappes qui ont touché des zones civiles", rappelle Pascal Le Pautremat.
 
Conférencier et chargé de cours dans l’Enseignement supérieur sur les crises et conflits contemporains, il se rappelle: "il fut un temps, le Président afghan Hamid Karzai avait été tellement offusqué et horrifié par ces frappes et le déni de Washington qu’il avait même menacé de faire partir les forces étrangères présentes en Afghanistan".

Mythe de la "guerre propre"

Conscient qu’à la guerre, il y a des morts, et parfois même des "dégâts collatéraux", c’est-à-dire des victimes innocentes, le chercheur dénonce le "double discours" de Washington sur les fameuses "guerres propres" des États-Unis et de leurs alliés. Il pointe ainsi leur incapacité à sanctionner significativement les responsables de leurs armées, lorsque celles-ci se rendent coupables d’atrocités.
 
En effet, outre-Atlantique, la notion de "guerres propres", menées à l’aide de "frappes chirurgicales", a fait son chemin, en particulier depuis la présidence Obama qui a vu le nombre de frappes de drones exploser. "L’une des caractéristiques de nos efforts de lutte contre le terrorisme a été notre capacité à être exceptionnellement précis, exceptionnellement chirurgical et exceptionnellement ciblé", faisait valoir en 2012 Jay Carney, porte-parole de la Maison-Blanche. Ce narratif est défendu avec plus ou moins de vigueur par les Administrations au pouvoir depuis lors.
"Ce ne sont que des effets de communication et des postures dialectiques qui n’engagent qu’eux, mais qui, d’un point de vue éthique et moral, font honte. Comment peuvent-ils le croire eux-mêmes?" s’interroge notre interlocuteur. "Il n’y a pas de guerre propre".
 
Et d’ajouter: "Il n’y a que des situations qui éthiquement peuvent vous perturber, vous bouleverserC’est un problème à la fois éthique et moral."

Des révélations qu’Assange paye trop cher

La guerre est à telle point malpropre, poursuit Pascal Le Pautremat, que même les pilotes de drone qui travaillent à distance souffrent de chocs post-traumatiques. En cause, la réaction de leurs corps aux effets catastrophiques et inhumains des frappes qu’ils effectuent. Fait aggravant: l’ordre leur est souvent donné de "traiter" une seconde fois des cibles qui n’étaient que blessées et qu’il fallait impérativement "neutraliser", remarque notre interlocuteur.
 
"Certains pilotes ont d’ailleurs refusé de continuer à tenir de tels postes, tant la charge émotionnelle et psychologique devenait véritablement insupportable", poursuit le chercheur.
 
Les horreurs de la guerre n’épargnent donc même pas les soldats américains. De quoi rappeler l’impertinence et surtout l’hypocrisie des leçons de morale que Washington aime à donner aux autres pays. En effet, les États-Unis infligent aussi des dommages collatéraux et ils tentent, autant que faire se peut, de les passer sous silence.
 
En 2010, les documents publiés par WikiLeaks mettent en évidence "de nombreux cas de crimes de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre." Trop pour que le commandement américain et les responsables politiques ne soient pas mis au courant. Pourtant, Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, avait d’abord condamné la fuite de tout document pouvant, selon elle, mettre en danger "la vie des soldats et des civils des États-Unis et de leurs alliés", avant de condamner ces crimes de guerre eux-mêmes.
 
Plutôt que de faire amende honorable, Washington –et par ricochet, Londres– a préféré vilipender Julian Assange, lanceur d’alerte à l’origine de ces révélations. La récente annonce de son extradition aux États-Unis rappelle d’ailleurs que ceux qui dénoncent ces crimes de guerre seront pourchassés où qu’ils se trouvent, et aussi longtemps que nécessaire.
 
Après ces fuites, certains ont été démis de leurs fonctions et condamnés, à l’exemple des onze geôliers américains de l’enfer d’Abou Ghraib, cette prison ouverte à l’occasion de la guerre en Irak dans laquelle des détenus avaient été torturés –y compris sexuellement– puis exécutés. L’armée américaine et la CIA étaient impliquées, mais les condamnations après ces révélations de WikiLeaks ne sont pas remontées bien haut dans la chaîne de commandement. Ce qui en dit long des procédés des gardiens mondiaux de la démocratie que prétendre être les États-Unis.
*Organisation terroriste interdite en Russie

A Propos

 

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